GERER SES
EMOTIONS EN TANT QUE SOIGNANT
Rogers part du principe que chaque
personne détient la solution à ses problèmes et que le médecin, le thérapeute
ou le conseiller ne doit pas chercher à l’influencer.
Il renoue
avec la maïeutique de Socrate, c’est-à-dire l’art d’accoucher les esprits. La
principale technique utilisée pour cela est la reformulation. Le thérapeute
reformule ce que lui dit la personne pour vérifier s’il a compris ce qu’elle
dit, permettre à celle-ci de préciser en retour ce qu’elle ressent et de
trouver progressivement la solution : « Vous avez peur quand vous vous
retrouvez dans cette situation. »
Thomas Gordon insiste sur l’affirmation de soi
avec le « message - Je ». Au lieu de dire : « Tu m’agaces quand tu te conduis
comme cela », il vaut mieux dire : « Je suis agacé quand je te vois agir ainsi.
»
Il faut
renoncer à la « relation klaxon » (tu…tu…tu), comme l’appelle Jacques Salomé
qui propose des règles d’hygiène relationnelle où chacun se situerait à sa
juste place.
Marshall Rosenberg s’est
attaché à développer la notion d’empathie avec la communication non violente.
Ces techniques d’écoute doivent être complétées par un travail sur soi : la
gestion des émotions, l’amélioration de l’expression orale ou écrite, le rôle
de la parole, le son de la voix, les attitudes, l’expression corporelle et la
communication non verbale. Ces dernières sont essentielles, notamment dans
l’accompagnement des personnes qui ne peuvent pas (ou peu) parler : personnes
âgées, handicapées ou en fin de vie. Dans le cadre d’une psychothérapie, Rogers
et ses successeurs assurent que les techniques d’écoute peuvent suffire à la
guérison. C’est un chemin parmi d’autres. La psychanalyse, les méthodes de
développement personnel comme l’analyse transactionnelle, la programmation
neurolinguistique, la gestalthérapie, la sophrologie et les techniques
psychocorporelles orientales (yoga, qi gong, arts martiaux) peuvent aussi
contribuer à améliorer la communication.
Bien gérer les conflits
«
La directrice d’un centre social a vu récemment une personne se précipiter dans
son bureau en lui criant : “Je vais te faire la peau !” et en la menaçant d’une
arme. Dans une telle situation, on est bien démuni et on se demande comment on
va y arriver. Pourtant, il est possible de résoudre sans violence des conflits
difficiles, en revenant à une communication apaisée, dans laquelle les
protagonistes puissent s’écouter » explique François Lhopiteau, directeur de
l’IfMan de Haute-Normandie (Institut de formation du Mouvement pour une
alternative non violente). » « Dans l’exemple cité, c’est une animatrice ayant
suivi nos stages qui a trouvé la solution. Elle savait qu’il ne fallait pas
chercher à raisonner une personne dans cet état, mais intervenir sans prendre
parti et en respectant son besoin d’exprimer son état émotionnel. Elle est
arrivée, en disant : “Je vous apporte un café, j’ai pensé que cela vous ferait
plaisir”. L’agresseur lui a répondu : “Je ne t’ai rien demandé, ça va être ton
tour, d’ailleurs je ne bois que du thé, jamais de café”. Et tout s’est bien
terminé autour d’un thé. Il est rare que l’on ait besoin d’en venir à une
contrainte physique dure. Lorsque l’on offre à celui qui est dans l’émotion une
sortie honorable, il s’apaise. C’est tout un savoir-faire qui est insuffisamment travaillé dans
notre culture basée sur la négation des émotions. »
La communication entre
médecins et malades passe mal.
“Les
médecins, même les mieux intentionnés, n’ont pas conscience de la manière dont
se fait la communication avec le malade », explique la Dre Marie-Claire
Célérié, psychiatre-psychanalyste et coauteure d’un récent livre La Rencontre
avec le malade (éd. Dunod). « Le médecin dispose d’un nombre d’examens de plus
en plus important et on lui recommande des traitements qui ont été vérifiés par
des statistiques. Mais la plupart des problèmes qu’il rencontre dans son
cabinet ne répondent pas aux schémas qu’il a appris à la faculté ou dans les
livres », poursuit-elle. À part les problèmes aigus qui se règlent en une ou
deux séances, la plupart des patients consultent pour des troubles fonctionnels
ou des maladies chroniques parfois sévères comme le cancer. « Le malade vient
pour un problème physique, mais il y a presque toujours une dimension
psychologique, qui est un facteur aggravant de la maladie, quand elle n’en est
pas la cause. Il est important que le médecin écoute le malade raconter son
problème à sa façon », poursuit la Dre Célérié.
Se relier à son corps
De son côté,
l’Association de médecine et de soins relationnels propose une méthodologie de
l’écoute inspirée des règles d’ « hygiène relationnelle » mises au point par
Jacques Salomé : se situer à sa juste place dans une relation, mettre en mots
le ressenti ou exprimer symboliquement ce qui ne peut être dit. « À côté des
blessures biologiques, nous avons tous des blessures relationnelles et même
spirituelles. Tout va se dire dans le corps, car tout ne peut pas se dire avec
les mots. C’est un langage codé. Notre travail de soignant, c’est de regarder
et d’examiner le corps avec notre compétence médicale, mais aussi de permettre
à une personne de se relier de façon plus consciente à son corps, à son
environnement et à sa conscience », explique la Dre Françoise Rodary, présidente
de cette association.
Réussir à communiquer,
c’est le défi que relèvent de nombreux soignants et accompagnants auprès des
personnes qui ont perdu définitivement ou provisoirement la faculté de
s’exprimer.
La première
fois que j’ai entendu parler de rencontres qui se passaient de mots, c’était
lors d’un congrès consacré aux personnes âgées. Leur besoin de communiquer,
disait-on à la tribune, reste vivace. Cependant l’âge, la maladie et le
handicap aidants, cela devient parfois très difficile. Est-ce à dire que cela
est impossible ? Non, mais il ne s’agit plus tant alors d’échanger des idées,
des nouvelles, des souvenirs, que d’entrer simplement en relation. Quand les
mots ne servent plus – ou trop mal – à la communication, il reste le regard,
véritable livre ouvert sur l’intimité de l’être. Rieur, souriant, narquois,
malicieux, triste, dur, froid, méprisant, fier, mélancolique, vide, pensif,
peureux, angoissé, inquiet, transi…, il est capable à lui seul de traduire
toutes les émotions et de remplir de son intensité tous les silences. Regarder
l’autre, c’est d’une part lui exprimer qu’il a retenu notre attention, en clair
qu’il existe ; et d’autre part reconnaître comme tels les sentiments qu’il
éprouve. On m’a raconté l’histoire d’une vieille dame atteinte de la maladie
d’Alzheimer qui n’arrivait plus à s’exprimer que par oui et par non.
Sa fille eut
un jour l’dée de renouveler avec elle l’échange en faisant appel à la vieille comptine-jeu : « Je-te-tiens, tu-me-tiens… par
la barbichette » que la malade, bien avant la survenue de sa maladie, aimait à
chanter à ses enfants et petits-enfants. À peine la fille avait-elle
entamé la comptine en prenant le menton de sa mère, que le regard de celle-ci
s’illuminait soudainement de malice et de joie en même temps qu’elle saisissait
avec à-propos le menton de sa fille. Le regard et l’espace du jeu avaient suffi
à rétablir la relation d’amour et de confiance que l’absence de paroles ne
pouvait plus créer.
Autre outil de communication : le toucher.
Oser un geste de tendresse : prendre la main d’un malade, lui caresser le
front, à condition que cela soit fait avec tact et pudeur, aide à établir la
relation en permettant le contact peau à peau. Le simple fait de tenir la main
de quelqu’un a un effet réconfortant que les malades en fin de vie apprécient
particulièrement, certains d’entre eux s’agrippant à la main apaisante comme à
une bouée. Il se transmet alors une émotion telle qu’elle se passe de mots.
Enfin il est des circonstances, comme les
périodes de coma, où ni les mots, ni les regards, ni le toucher ne permettent
d’accéder au monde dans lequel le malade est perdu. Chose étonnante, on a vu
des patients reprendre pied dans la réalité grâce à des odeurs ou à des sons
que leurs proches avaient pensé à produire auprès d’eux.
Le cerveau, on le sait, est composé de
plusieurs parties dont l’une, « le cerveau primitif » ou encore « cerveau
reptilien », contient la mémoire la plus ancienne et la plus sensible de la
personne. Réveiller cette zone, la plus profonde émotionnellement de l’être, en
la stimulant avec des sensations qui y sont enregistrées – odeurs de l’enfance,
musique préférée, airs de chansons ou de musiques maintes et maintes fois
entendues durant la petite l’enfance, etc. – suffit parfois à faire redémarrer
d’autres activités cérébrales, dites, elles, supérieures !On le voit à travers
ces exemples extrêmes, l’être humain, même privé de paroles, est capable de
communiquer ses émotions. Bien sûr, il ne s’agit pas d’un langage élaboré
permettant d’échanger des concepts. L’essentiel est que, grâce à ce type de
communication, les personnes établissent une relation et restent, quels que
soient le handicap ou la maladie, dignes d’attention. Surtout, on aurait tort
de l’oublier, ce ressenti qui n’a pas besoin des mots pour exister est
omniprésent, quoique parfois pas très conscient, lors des conversations de
salon ou entre gens très cartésiens et intellectuels. Mal vécues ou en
inadéquation avec le discours conscient, ces émotions peuvent perturber le
message final et entraver « la » communication. Le comble, quoi !
Les six types de
réponse
À la suite des travaux de Carl Rogers, le psychologue Porter et
différents auteurs comme André de Peretti ont distingué six types de réponse,
appelés « attitudes de Porter », qui révèlent le plus souvent une mauvaise
écoute, induisent certains comportements inconscients de l’écouté, freinent la
communication et peuvent parfois la bloquer.
La solution. « Voici ce que je ferais à
votre place… ». Cette réponse peut prendre la forme d’un conseil, d’un ordre
et, parfois, d’une menace : « Si tu ne fais pas cela, tu vas voir ce qui va
t’arriver. »
L’évaluation. « Ce n’est pas bien ce que tu
as fait. » Celui qui formule ce type de réponse se place en censeur. Même si la
remarque est positive (« C’est bien »), l’interlocuteur se sent jugé.
Le questionnement. «
Voulez-vous me préciser vos propos ? », « Pourquoi n’avez-vous pas fait cela?»
Cette attitude qui vise à obtenir des précisions peut facilement prendre la
forme d’une attitude d’enquête qui pousse l’interlocuteur dans une certaine
direction. Dans la première formulation, elle peut favoriser la communication,
si elle est utilisée avec prudence. Mais la seconde la bloque car l’évaluation
négative du questionneur est implicite, même si elle est inconsciente de sa
part.
L’interprétation. « Vous
n’avez pas réussi parce que… » Cette formule peut dans certains cas permettre
de vérifier que l’on a bien compris. Mais elle risque de bloquer l’écouté car
elle revient à lui prêter des sentiments qu’il n’a peut-être pas.
Le soutien. « Ce n’est pas si grave, vous
allez vous en sortir. » Cette formule vise à aider ou rassurer l’interlocuteur.
Mais elle peut lui donner l’impression qu’on minimise son problème. Au mieux,
elle ne lui apporte qu’un soulagement momentané, qui ensuite le laisse seul
face à ses difficultés.
La compréhension. « Vous avez
le sentiment que vous deviez agir ainsi. » Ce type de réponse, qui cherche à
refléter, sans jugement, les sentiments de l’interlocuteur, utilise la
technique de reformulation.
Dans les stages parents efficaces
(environ 30 heures) à travers de nombreux jeux de rôle, Cette animatrice
utilise plusieurs outils, essentiels dans la méthode :
l’écoute active,
- permet de comprendre les besoins de
l’autre
- de
savoir à qui appartient le problème et la différence est d’importance ;
le « message, je » dans lequel l’adulte
exprime ses propres besoins ;
la négociation des conflits sans
gagnant ni perdant et la résolution du conflit sans perdant.
Une fois les besoins communiqués et
écoutés, reste à trouver une solution mutuellement acceptable permettant de
résoudre le conflit. Une solution gagnant-gagnant. La méthode Gordon n’est pas
là pour résoudre les problèmes, elle donne des outils pour mieux communiquer,
comprendre et améliorer les relations.
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