lundi 2 mai 2016

GERER SES EMOTIONS EN TANT QU’ACCOMPAGNANT

GERER SES EMOTIONS  EN TANT QUE SOIGNANT
Rogers part du principe que chaque personne détient la solution à ses problèmes et que le médecin, le thérapeute ou le conseiller ne doit pas chercher à l’influencer.
Il renoue avec la maïeutique de Socrate, c’est-à-dire l’art d’accoucher les esprits. La principale technique utilisée pour cela est la reformulation. Le thérapeute reformule ce que lui dit la personne pour vérifier s’il a compris ce qu’elle dit, permettre à celle-ci de préciser en retour ce qu’elle ressent et de trouver progressivement la solution : « Vous avez peur quand vous vous retrouvez dans cette situation. »

Thomas Gordon insiste sur l’affirmation de soi avec le « message - Je ». Au lieu de dire : « Tu m’agaces quand tu te conduis comme cela », il vaut mieux dire : « Je suis agacé quand je te vois agir ainsi. »
Il faut renoncer à la « relation klaxon » (tu…tu…tu), comme l’appelle Jacques Salomé qui propose des règles d’hygiène relationnelle où chacun se situerait à sa juste place.
Marshall Rosenberg s’est attaché à développer la notion d’empathie avec la communication non violente. Ces techniques d’écoute doivent être complétées par un travail sur soi : la gestion des émotions, l’amélioration de l’expression orale ou écrite, le rôle de la parole, le son de la voix, les attitudes, l’expression corporelle et la communication non verbale. Ces dernières sont essentielles, notamment dans l’accompagnement des personnes qui ne peuvent pas (ou peu) parler : personnes âgées, handicapées ou en fin de vie. Dans le cadre d’une psychothérapie, Rogers et ses successeurs assurent que les techniques d’écoute peuvent suffire à la guérison. C’est un chemin parmi d’autres. La psychanalyse, les méthodes de développement personnel comme l’analyse transactionnelle, la programmation neurolinguistique, la gestalthérapie, la sophrologie et les techniques psychocorporelles orientales (yoga, qi gong, arts martiaux) peuvent aussi contribuer à améliorer la communication.

Bien gérer les conflits
« La directrice d’un centre social a vu récemment une personne se précipiter dans son bureau en lui criant : “Je vais te faire la peau !” et en la menaçant d’une arme. Dans une telle situation, on est bien démuni et on se demande comment on va y arriver. Pourtant, il est possible de résoudre sans violence des conflits difficiles, en revenant à une communication apaisée, dans laquelle les protagonistes puissent s’écouter » explique François Lhopiteau, directeur de l’IfMan de Haute-Normandie (Institut de formation du Mouvement pour une alternative non violente). » « Dans l’exemple cité, c’est une animatrice ayant suivi nos stages qui a trouvé la solution. Elle savait qu’il ne fallait pas chercher à raisonner une personne dans cet état, mais intervenir sans prendre parti et en respectant son besoin d’exprimer son état émotionnel. Elle est arrivée, en disant : “Je vous apporte un café, j’ai pensé que cela vous ferait plaisir”. L’agresseur lui a répondu : “Je ne t’ai rien demandé, ça va être ton tour, d’ailleurs je ne bois que du thé, jamais de café”. Et tout s’est bien terminé autour d’un thé. Il est rare que l’on ait besoin d’en venir à une contrainte physique dure. Lorsque l’on offre à celui qui est dans l’émotion une sortie honorable, il s’apaise. C’est tout un savoir-faire qui est insuffisamment travaillé dans notre culture basée sur la négation des émotions. »
La communication entre médecins et malades passe mal.
“Les médecins, même les mieux intentionnés, n’ont pas conscience de la manière dont se fait la communication avec le malade », explique la Dre Marie-Claire Célérié, psychiatre-psychanalyste et coauteure d’un récent livre La Rencontre avec le malade (éd. Dunod). « Le médecin dispose d’un nombre d’examens de plus en plus important et on lui recommande des traitements qui ont été vérifiés par des statistiques. Mais la plupart des problèmes qu’il rencontre dans son cabinet ne répondent pas aux schémas qu’il a appris à la faculté ou dans les livres », poursuit-elle. À part les problèmes aigus qui se règlent en une ou deux séances, la plupart des patients consultent pour des troubles fonctionnels ou des maladies chroniques parfois sévères comme le cancer. « Le malade vient pour un problème physique, mais il y a presque toujours une dimension psychologique, qui est un facteur aggravant de la maladie, quand elle n’en est pas la cause. Il est important que le médecin écoute le malade raconter son problème à sa façon », poursuit la Dre Célérié.
Se relier à son corps
De son côté, l’Association de médecine et de soins relationnels propose une méthodologie de l’écoute inspirée des règles d’ « hygiène relationnelle » mises au point par Jacques Salomé : se situer à sa juste place dans une relation, mettre en mots le ressenti ou exprimer symboliquement ce qui ne peut être dit. « À côté des blessures biologiques, nous avons tous des blessures relationnelles et même spirituelles. Tout va se dire dans le corps, car tout ne peut pas se dire avec les mots. C’est un langage codé. Notre travail de soignant, c’est de regarder et d’examiner le corps avec notre compétence médicale, mais aussi de permettre à une personne de se relier de façon plus consciente à son corps, à son environnement et à sa conscience », explique la Dre Françoise Rodary, présidente de cette association.
Réussir à communiquer, c’est le défi que relèvent de nombreux soignants et accompagnants auprès des personnes qui ont perdu définitivement ou provisoirement la faculté de s’exprimer.
La première fois que j’ai entendu parler de rencontres qui se passaient de mots, c’était lors d’un congrès consacré aux personnes âgées. Leur besoin de communiquer, disait-on à la tribune, reste vivace. Cependant l’âge, la maladie et le handicap aidants, cela devient parfois très difficile. Est-ce à dire que cela est impossible ? Non, mais il ne s’agit plus tant alors d’échanger des idées, des nouvelles, des souvenirs, que d’entrer simplement en relation. Quand les mots ne servent plus – ou trop mal – à la communication, il reste le regard, véritable livre ouvert sur l’intimité de l’être. Rieur, souriant, narquois, malicieux, triste, dur, froid, méprisant, fier, mélancolique, vide, pensif, peureux, angoissé, inquiet, transi…, il est capable à lui seul de traduire toutes les émotions et de remplir de son intensité tous les silences. Regarder l’autre, c’est d’une part lui exprimer qu’il a retenu notre attention, en clair qu’il existe ; et d’autre part reconnaître comme tels les sentiments qu’il éprouve. On m’a raconté l’histoire d’une vieille dame atteinte de la maladie d’Alzheimer qui n’arrivait plus à s’exprimer que par oui et par non.

Sa fille eut un jour l’dée de renouveler avec elle l’échange en faisant appel à la vieille  comptine-jeu : « Je-te-tiens, tu-me-tiens… par la barbichette » que la malade, bien avant la survenue de sa maladie, aimait à chanter à ses enfants et petits-enfants. À peine la fille avait-elle entamé la comptine en prenant le menton de sa mère, que le regard de celle-ci s’illuminait soudainement de malice et de joie en même temps qu’elle saisissait avec à-propos le menton de sa fille. Le regard et l’espace du jeu avaient suffi à rétablir la relation d’amour et de confiance que l’absence de paroles ne pouvait plus créer.
Autre outil de communication : le toucher. Oser un geste de tendresse : prendre la main d’un malade, lui caresser le front, à condition que cela soit fait avec tact et pudeur, aide à établir la relation en permettant le contact peau à peau. Le simple fait de tenir la main de quelqu’un a un effet réconfortant que les malades en fin de vie apprécient particulièrement, certains d’entre eux s’agrippant à la main apaisante comme à une bouée. Il se transmet alors une émotion telle qu’elle se passe de mots.
Enfin il est des circonstances, comme les périodes de coma, où ni les mots, ni les regards, ni le toucher ne permettent d’accéder au monde dans lequel le malade est perdu. Chose étonnante, on a vu des patients reprendre pied dans la réalité grâce à des odeurs ou à des sons que leurs proches avaient pensé à produire auprès d’eux.
Le cerveau, on le sait, est composé de plusieurs parties dont l’une, « le cerveau primitif » ou encore « cerveau reptilien », contient la mémoire la plus ancienne et la plus sensible de la personne. Réveiller cette zone, la plus profonde émotionnellement de l’être, en la stimulant avec des sensations qui y sont enregistrées – odeurs de l’enfance, musique préférée, airs de chansons ou de musiques maintes et maintes fois entendues durant la petite l’enfance, etc. – suffit parfois à faire redémarrer d’autres activités cérébrales, dites, elles, supérieures !On le voit à travers ces exemples extrêmes, l’être humain, même privé de paroles, est capable de communiquer ses émotions. Bien sûr, il ne s’agit pas d’un langage élaboré permettant d’échanger des concepts. L’essentiel est que, grâce à ce type de communication, les personnes établissent une relation et restent, quels que soient le handicap ou la maladie, dignes d’attention. Surtout, on aurait tort de l’oublier, ce ressenti qui n’a pas besoin des mots pour exister est omniprésent, quoique parfois pas très conscient, lors des conversations de salon ou entre gens très cartésiens et intellectuels. Mal vécues ou en inadéquation avec le discours conscient, ces émotions peuvent perturber le message final et entraver « la » communication. Le comble, quoi !



Les six types de réponse
À la suite des travaux de Carl Rogers, le psychologue Porter et différents auteurs comme André de Peretti ont distingué six types de réponse, appelés « attitudes de Porter », qui révèlent le plus souvent une mauvaise écoute, induisent certains comportements inconscients de l’écouté, freinent la communication et peuvent parfois la bloquer.
La solution. « Voici ce que je ferais à votre place… ». Cette réponse peut prendre la forme d’un conseil, d’un ordre et, parfois, d’une menace : « Si tu ne fais pas cela, tu vas voir ce qui va t’arriver. »
L’évaluation. « Ce n’est pas bien ce que tu as fait. » Celui qui formule ce type de réponse se place en censeur. Même si la remarque est positive (« C’est bien »), l’interlocuteur se sent jugé.
Le questionnement. « Voulez-vous me préciser vos propos ? », « Pourquoi n’avez-vous pas fait cela?» Cette attitude qui vise à obtenir des précisions peut facilement prendre la forme d’une attitude d’enquête qui pousse l’interlocuteur dans une certaine direction. Dans la première formulation, elle peut favoriser la communication, si elle est utilisée avec prudence. Mais la seconde la bloque car l’évaluation négative du questionneur est implicite, même si elle est inconsciente de sa part.
L’interprétation. « Vous n’avez pas réussi parce que… » Cette formule peut dans certains cas permettre de vérifier que l’on a bien compris. Mais elle risque de bloquer l’écouté car elle revient à lui prêter des sentiments qu’il n’a peut-être pas.
Le soutien. « Ce n’est pas si grave, vous allez vous en sortir. » Cette formule vise à aider ou rassurer l’interlocuteur. Mais elle peut lui donner l’impression qu’on minimise son problème. Au mieux, elle ne lui apporte qu’un soulagement momentané, qui ensuite le laisse seul face à ses difficultés.
La compréhension. « Vous avez le sentiment que vous deviez agir ainsi. » Ce type de réponse, qui cherche à refléter, sans jugement, les sentiments de l’interlocuteur, utilise la technique de reformulation.



Dans les stages parents efficaces (environ 30 heures) à travers de nombreux jeux de rôle, Cette animatrice utilise plusieurs outils, essentiels dans la méthode :

l’écoute active,
  •  permet de comprendre les besoins de l’autre
  • de savoir à qui appartient le problème et la différence est d’importance ;
le « message, je » dans lequel l’adulte exprime ses propres besoins ;
la négociation des conflits sans gagnant ni perdant et la résolution du conflit sans perdant.
Une fois les besoins communiqués et écoutés, reste à trouver une solution mutuellement acceptable permettant de résoudre le conflit. Une solution gagnant-gagnant. La méthode Gordon n’est pas là pour résoudre les problèmes, elle donne des outils pour mieux communiquer, comprendre et améliorer les relations.




Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire